Inktober Jour4: RADIO (Radio)

par | 4 Oct 2020 | Inktober 2020

4 octobre: RADIO (Radio)

 

Ce dont j’étais sûr, c’était que l’histoire que s’apprêtait à me raconter mon père, était l’une de ses plus belles. De son propre aveu :

– « Ce que je m’apprête à te conter, c’est une histoire vraie, que seules les ondes sont capables de faire transiter ! »

Je savais que c’était un passionné de radio et autre transistor, il en parlait sans cesse, mais c’était la première fois qu’il m’en inventait une expression. C’est vous dire l’importance qu’elle avait à ses yeux.

L’histoire se passait dans les années 90, à la grande époque des radios « libres ». Vous savez, ces émissions de radio, durant lesquels les auditeurs appelaient les animateurs pour commenter un évènement, résoudre un problème ou tout simplement entendre sa voix à la radio. Avant l’avènement d’Internet. Sébastien avait alors 15 ans, et était fan d’une telle émission sur radio « Sunjet ». Il l’écoutait pratiquement tous les soirs. À tel point que les voix des animateurs étaient pour lui comme celles de ses potes à la récré. Il connaissait leurs caractères, leurs tics de langage, et reconnaissait même quand l’animateur vedette, Jimka se moquait d’un auditeur en direct, avec cette touche pince sans rire que ce dernier ne saisissait pas sur le coup.

Ce soir-là était un soir habituel à la radio. Les problèmes de voitures, de vols, de cœur, défilaient les uns après les autres à l’antenne, avec plus ou moins de réactions. Séb prêtait à l’émission une oreille distraite, pour cause de dissertation en français à terminer pour le lendemain, quand il entendit son prénom à la radio. Séb. Sébastien. Une certaine Justine avait appelé. Il avait raté la présentation, mais à l’appel de son prénom il avait tendu l’oreille. L’animateur rappelait brièvement l’histoire. Justine était tombée amoureuse d’un garçon, mais n’osait pas le lui avouer. Ce garçon s’appelait Séb. Jimka demandait alors le concours des auditeurs, pour venir donner des conseils à la pauvre Justine, toute timide. Il concluait par :

– « Le plus fort serait que ce Séb se reconnaisse et appelle de lui-même ! Vous imaginez, une déclaration en direct, ici, sur Sunjet ?! La grande classe ! Alors si tu t’appelles Sébastien, que tu t’es reconnu dans la description de Justine, brun, portant souvent un sweat à capuche rouge, appelle-nous !! »

S’ensuivait le nom de la ville, et même le nom du lycée de Justine.

Son sang n’avait fait qu’un tour. Son lycée ! Il était brun ! Un bref coup d’œil au dossier de sa chaise pour regarder son sweat rouge… Rouge ! Le voilà persuadé d’être le bon. Les détails s’accumulaient ! C’était lui !
L’excitation était malgré tout retombée très vite. C’était que lui, Séb, était effectivement secrètement amoureux d’une Justine. Seulement, elle ne le calculait même pas en classe. Ce ne pouvait être lui. Mais bon, tout de même, c’était un brun, comme lui, du même lycée que lui, qui portait un sweat à capuche rouge régulièrement… Les coïncidences étaient plus que troublantes.

Ni une ni deux, il décrocha le téléphone et appela la radio. Après avoir entendu son histoire, la standardiste avait accepté de le passer en direct. L’animateur était prévenu, et le présentait enfin :

– « On a retrouvé le Sébastien de notre Justine ! ».

Ça y était, il était en direct. Il avait à peine eu le temps de prononcer une phrase qu’il se faisait instantanément couper par Justine.

– « Ah non, ce n’est pas toi désolé, je ne reconnais absolument pas ta voix à la radio, alors que celle de mon Séb, je la reconnaîtrais entre mille. Ta blague ne marchera pas désolée ! »

La voix de Jimka avait alors pris le relai :

– « T’es dur avec notre petit Séb, il a l’air follement amoureux pourtant… haha, bien tenté gamin, mais trop flagrant ! » La fameuse touche pince sans rire de l’animateur, Séb la reconnaîtrait entre mille.

Dépité et honteux, sans dire au revoir, il raccrocha.

Le lendemain sur la route menant au lycée, tout penaud, il n’osait pas regarder les gens en face. Persuadé qu’il était que tous avaient entendu ce qu’il avait dit hier, dévoilant son identité, et se prenant le plus gros râteau de sa vie en direct. Il allait se faire chambrer par le lycée au grand complet, c’était certain.
Puis par hasard, en levant doucement les yeux à son arrivée devant la grille de l’établissement, il découvrit Justine. Elle aussi, tête baissée, toute honteuse d’avoir appelé en direct une radio, avec au matin l’impression de devenir la risée de ses camarades. Tout ça à cause d’un faux Sébastien…
La voir comme ça, avec la sensation de lui avoir fait du mal le rendait malade. Il n’avait plus qu’une idée, aller la voir et s’excuser, lui dire qu’il comprenait ne pas être le bon, mais l’assurer de ne pas avoir voulu lui faire de blague.
A peine en face d’elle, il se mit à parler trop vite, un peu confus, les idées se mélangeaient dans sa tête. Elle l’arrêta alors, avec de grands yeux ronds :

– « Attends, attends, tu vas trop vite, je ne pige rien. C’était toi le Séb d’hier ? Mais t’as pas du tout la même voix qu’à la radio ! C’est… C’était de toi dont je parlais… ! »

Une pause.
Ils se regardèrent dans les yeux un instant qui sembla durer l’éternité, puis éclatèrent de rire et se prirent dans les bras.

Maintenant vous allez certainement vouloir savoir qui est ce Sébastien.
Séb ? C’est mon papa. Et voilà comment il est devenu un passionné du monde radiophonique. En rencontrant ma mère.

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