15 octobre: OUTPOST (Avant-poste)
Larry dormait d’un sommeil paisible sur son phare. Parmi toutes les tours de guet sur la côte, la sienne était la plus reculée. Sa mission consistait à relayer le signal des autres tours en cas d’attaque par la mer. Le système était plutôt ingénieux. Il était composé de tours positionnées en bord de mer, surveillant les flots, qui, au premier signe hostile, allumaient un feu pour prévenir dans les terres. Ce feu n’était pas encore visible de l’avant-poste, trop reculé. C’était alors au tour des phares, positionnées entre les tours de guet et l’avant-poste d’allumer un plus grand feu à leur sommet. Celui-ci, visible de beaucoup plus loin, d’où son appellation de phare, alerterait les terres de la menace.
Les guetteurs de toutes ces tours étaient toujours par deux. Quand l’un dormait, l’autre surveillait. L’avant-poste n’était ainsi jamais aveugle. En théorie.
Un mouvement de son hamac le réveilla. Pensant que son collègue venait le prévenir de prendre son tour de garde, il grommela en ouvrant les yeux. Il vit alors la lame d’un poignard luire devant lui, puis s’abattre rapidement. Il n’eut le temps que de faire tanguer son hamac. L’acier le rata de peu et lui égratigna la joue, et la lame s’enfonça dans la toile tissée. L’agresseur, surpris par ce revirement de situation, la lâcha et fit un pas en arrière pour reprendre en mains la situation qui commençait à lui échapper. Larry roula sur le côté pour sortir du hamac, et en profita pour attraper le couteau qui l’avait manqué de peu. D’un mouvement vif et précis, il le lança en direction de son agresseur. Il vint se planter dans l’épaule droite. Pas suffisant pour le tuer, mais assez pour le mettre hors d’état de nuire. Il finit par l’assommer avec la chaise qui se trouvait un peu plus loin dans la pièce.
Il réalisa alors qui était cet homme : son collègue. Celui-là même arrivé au matin pour relayer Harold, tombé malade. Ce même homme avec qui il avait joué aux cartes et plaisanté la veille au soir… Il y avait un problème. On les avait trahis. Son premier réflexe fut d’aller voir par la fenêtre. Une colonne d’hommes en armes, tous feux éteints, était visible au clair de lune. Ils avançaient en provenance de la mer, passant devant les tours de guets, elles aussi sans vie apparente. Personne n’avait donné l’alerte, aucun feu à l’horizon. Que se passait-il ? Il fallait prévenir l’avant-poste !
Larry sortit en trombe de la pièce principale, en direction des escaliers menant à l’étage, et du tas de bois à enflammer an cas d’invasion. Des bruits en provenance du haut le firent ralentir. Le phare était déjà investi. Il ne pourrait pas atteindre le sommet par ce biais-là. Le son de bottes descendant à toute allure l’affola, il avait été repéré. Dans sa cavalcade pour prévenir les terres, il n’avait pas été assez prudent.
– « Vaslo, c’est toi ? Tout va bien ? Mission accomplie ? » entendit-il de l’homme descendant.
Pris de court, il improvisa une réponse, histoire de gagner du temps et d’apaiser les craintes de l’ennemi :
– « Oui oui, tout va bien. Je vous rejoins dans 5 minutes. Une petite chose à vérifier avant. »
Les pas s’étaient arrêtés. Il ne savait pas combien de temps sa ruse allait fonctionner, ni si sa voix l’avait trahi. Il se hâta donc de retourner dans la pièce d’où il sortait. Il avait peut-être encore une chance de sauver la situation.
Il sortit par la fenêtre, prenant garde de ne pas regarder en bas, et entreprit l’ascension du phare par l’extérieur. La grosseur des pierres de l’édifice, ainsi que la vétusté des joints lui permirent une ascension plus aisée, à défaut d’être sécurisée. Arrivé en haut, il jeta un coup d’œil par-dessus le muret. Trois hommes armés de l’autre côté du tas de bois. Ils s’employaient à balancer les branches et les bûches par-dessus bord. Il fallait faire vite. Allumer le tas, avant qu’il n’en reste rien. Heureusement, le tonneau d’huile et la lampe étaient de son côté. Le plus discrètement possible, il passa par-dessus le rempart de pierre, et s’approcha de la lampe à huile. Par mégarde, il marcha sur une brindille dépassant du tas. Affolé il releva la tête pour voir s’il avait alerté qui que ce soit. Son regard croisa alors celui d’un des hommes, dont le réflexe lui avait déjà fait prendre une flèche dans son carquois, et commencer à l’armer sur son arc. Le temps sembla alors s’arrêter. La flèche mit une éternité avant d’atteindre sa cible. Le guetteur, dans l’optique de l’éviter, plongea en avant. Elle vint pourtant se figer en plein cœur, et Larry s’arrêta net en vol. Mort.
Son corps tomba alors sur la lampe à huile qui se brisa. Sa tunique prit feu, s’imprégnant de l’huile, qui finit par dégouliner, toute enflammée qu’elle était, sur le bois amassé. Un immense flambeau s’éleva alors du phare. Cette lueur, visible depuis fort loin, obtint pour réponse un long coup de cor d’une autre tour de guet. De nombreuses lueurs se firent alors remarquer à l’horizon. Le cor ne cessa plus, l’avant-poste était prévenu. Larry, par sa chute dans la mort, avait sauvé son peuple.
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